Plongez au cœur de la bataille de la Lys, appelée aussi la quatrième bataille d’Ypres, lancée par les Allemands pour progresser dans les Flandres, franchir la frontière naturelle formée par les monts (Mont des Cats, Mont de Boeschepe, Mont Kemmel, Mont Noir, etc.) et déferler sur la France.
Durant 20 jours, du 9 au 29 avril 1918, alliés et civils sont bombardés par des obus à gaz toxique sur une grande partie du territoire d’Ypres à La Bassée en passant par Bailleul, Merville, Estaires…
À la fin de la Grande Guerre, les villes de Bailleul et de Méteren, tout comme l’abbaye du Mont-des-Cats et l’église Saint-Bernard sont méconnaissables : il ne reste que des ruines. Tout est à reconstruire.
Nous vous proposons une découverte à vélo ou en voiture des églises Saint-Vaast de Bailleul et Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Méteren, deux églises de la Reconstruction au style architectural très différent.
Entre les deux, prenez le temps de gravir le Mont-des-Cats en passant par les chapelles, si typiques du territoire : elles vous guideront sur le chemin.
Une partie de ce circuit est pédestre (1,5 km) afin de profiter pleinement du paysage.
Votre premier arrêt se situe au cœur de la ville de Bailleul.
La reconstruction de la ville est confiée aux architectes Barbotin, Roussel et Dupire. La cité présente aujourd’hui une remarquable homogénéité architecturale.
Le célèbre architecte Louis-Marie Cordonnier conçoit l’hôtel de ville et l’église Saint-Vaast. Le diocèse de Lille le sollicite pour redonner vie à différentes églises de la vallée de la Lys et à celles de Merville et d’Armentières.
À Bailleul, il remplace l’ancienne hallekerque (église-halle) par une église de type basilical, construite en briques et béton armé, marquée par des influences romano-byzantines, sa signature. Il exécute la plupart des croquis du mobilier liturgique et certains motifs décoratifs dont il confie la réalisation à des artisans et des artistes locaux comme Charles Hollart pour les vitraux.
Au cours de son histoire mouvementée, la ville de Bailleul fut le théâtre de nombreux incendies. Le septième se déclara le 8 mai 1681. Mais ce jour-là, un événement miraculeux se produisit : alors que 400 édifices, allant des habitations aux brasseries, en passant par les églises, étaient la proie des flammes, une statue de la Vierge, située dans une petite chapelle de la rue des Foulons, arrêta le feu. On la baptisa alors « Notre-Dame de l’Embrasement ».
Son histoire ne s’arrête pas là. Elle fut protégée par les Anglais durant la Première Guerre mondiale avant de retrouver sa place dans la chapelle plusieurs années plus tard.
N’hésitez pas à rejoindre à pied cette chapelle, située à l’angle de la maison n° 75 rue des Foulons, depuis l’église Saint-Vaast de Bailleul : seulement 240 m à parcourir pour profiter d’une vue imprenable sur les Flandres.
À l’intersection de l’Abeelstraete, de la Balassche Straete, de la Main Bleue et de la Paeperstraete à Bailleul, la chapelle Saint-Antoine, construite récemment au bord de la route, ne manque pas de charme et invite à une halte.
D’ici, le regard embrasse tout le paysage flamand : les tours de l’hôtel de ville et de l’église Saint-Vaast de Bailleul marquent votre point de départ, le haut clocher de Méteren annonce votre dernière étape, et, en majesté, le Mont des Cats vous appelle à gravir ses pentes.
Bâtie en 1875 en pierres ferrugineuses du pays, cette chapelle dédiée à Notre-Dame de Lourdes se cache au cœur d’un bosquet, à l’abri des regards, juste à droite de la maison n° 1153 de la rue Zand Straete, à Méteren.
Son charme pittoresque mérite que l’on s’y attarde : le dallage y dessine une croix discrète mais remarquable, et un petit bénitier, tout aussi singulier, complète le tableau.
Face à la chapelle, une aire de pique-nique vous permettra de faire une pause tout en admirant la superbe vue sur le paysage flamand.
Également construite en pierres locales, la petite chapelle de la Reine de la Paix — aussi appelée Notre-Dame de Medjugorje — rend hommage à la Vierge qui serait apparue à de nombreuses reprises à une femme près de Medjugorje, en Bosnie-Herzégovine.
Sa particularité ? Elle est presque entièrement ouverte : la statue, installée sur un socle pivotant, peut être orientée dans différentes directions.
Pour la découvrir, garez-vous au parking de l’antenne du Mont des Cats, puis suivez à pied le chemin du Moulin à huile. La chapelle se trouve juste à l’entrée du bois.
Nous vous invitons à y pénétrer après avoir admiré ce petit édifice : à l’ombre des arbres, quelques surprises vous attendent... Amusez-vous à découvrir les cabanes et même une immense chouette, avant de rejoindre une nouvelle chapelle.
En sortant du bois, prenez à droite et, en quelques pas, vous atteindrez l’intersection du chemin du Peenacker et du chemin du Mont des Cats.
Là vous attend une charmante chapelle en pierres ferrugineuses, construite en 1873 et dédiée à Notre-Dame de Lourdes.
Puis, préparez-vous pour ce qui est peut-être le défi du jour : la grande ligne droite du chemin du Mont des Cats. La pente se fait sentir, mais chaque pas vous rapproche d’une nouvelle chapelle… et la vue, en chemin, vaut largement l’effort !
Presque au sommet du Mont des Cats, la clôture de l’abbaye se dessine à l’horizon.
Avant de l’atteindre, accordez quelques instants à la contemplation d’une petite chapelle en briques, consacrée à la Reine du Ciel.
Son fronton invite le voyageur de passage à adresser une prière à la Vierge Marie.
Vous avez atteint le sommet du Mont des Cats. Poussez les portes de l’église Saint-Bernard, à l’entrée de l’abbaye. Elle fut également touchée par les obus allemands, qui occasionnèrent d’importants dégâts, rapidement réparés à l’exception du petit clocher.
L’origine de l’abbaye remonte au XVIIe siècle, avec l’établissement d’un ermitage de moines antonins.
En 1826, quelques moines cisterciens-trappistes venus de l’abbaye Notre-Dame du Gard s’installent sur le site qui est érigé en abbaye en 1847.
Pendant la Première Guerre mondiale, l’abbaye est réquisitionnée : elle sert de garnison et d’hôpital militaire.
Face à l’avancée allemande, plusieurs moines évacuent les lieux pour l’abbaye de la Trappe ou pour un refuge plus proche : Watou.
L’abbaye est entièrement détruite en 1918 comme en témoignent ces quelques lignes du 10 mai 1918 tirées de l’envoyé spécial du Petit Journal :
« C’était l’offensive contre le bon Dieu. Les murs des cellules s’effondraient ; la terre ocre et molle du jardin potager des hommes du Seigneur bouillonnait chaque minute par de nouveaux cratères, la croix de la cour sautait, les statues tombaient de la façade et, choc central, un grand nuage de fumée rouge-brique s’éleva : la nef de la chapelle, en plein milieu, sous un obus sûr, s’effondrait. {…} En attendant, tournons-nous, regardons leurs ravages. {…} Le 9 mai 1918, par une belle journée de soleil, entre midi et six heures, les Allemands qui, en 1914, étaient venus goûter votre lait, ont massacré votre domaine. Votre chapelle a conservé ses trois clochetons, mais son toit, son abside sont sur les dalles, en tas. Votre saint Bernard, votre patron, qui accueillait les visiteurs à l’entrée, a perdu sa tête. {…} Votre grande horloge s’est arrêtée à 1 heure 12. {…}. Vos chaises, vos tables, vos chandeliers, vos autels, vos tableaux, vos lits, tout sort d’un tremblement de terre, cassé, enchevêtré, perdu. Et l’ange de votre jubé, qui est à peu près tout ce qui reste debout, au milieu de cette destruction, ses deux bras le long du corps, textuellement dit : « Voilà ! » »
Le site de l’abbaye propose plusieurs articles relatant en détails les différents épisodes :
En face de la boutique de l’abbaye, un petit chemin s’enfonce dans les bois et vous mène à la chapelle de la Passion.
On vénère ici une croix très ancienne sauvée de la destruction au moment de la Révolution Française. Cette croix a le pouvoir de délivrer ou de préserver de la fièvre si on y accroche des pièces de tissu.
Une première chapelle est construite dès 1819 pour accueillir les pèlerins. Face à la ferveur populaire et sous l’impulsion de l’abbé Dom Dominique Lacaes, une nouvelle chapelle est bâtie en 1857 avant d’être agrandie par Dom Jérôme Parent qui fit creuser le sépulcre derrière la chapelle dans laquelle on installe la croix. Désormais, les mouchoirs sont accrochés aux grilles afin d’aider les malades pour « lier » le mal. Ce geste symbolique a même donné naissance à une expression flamande : «het zeer afbinnen», qui veut dire «attacher le mal».
Enfin, reprenez la route vers votre dernière étape : l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Méteren.
Son haut clocher, tel un phare au cœur des Flandres, vous guidera jusqu’à destination.
À la fin de la guerre la ville de Méteren est dans un tel état qu’on dit qu’on ne distingue même plus le tracé des routes. Le plan de la ville est confié à l’architecte Louis-Marie Cordonnier qui respecte l’ancien cadastre mais regroupe les bâtiments d’utilité publique autour d’une place.
La priorité est donnée aux habitations et aux écoles. La reconstruction de l’église ne débute qu’en 1923 sous la direction des architectes Louis Quételart et André Pavlosky. Ils offrent un édifice unique, qui culmine à plus de 51 mètres de hauteur, grâce à un ensemble complet de style art déco. Le décor et le mobilier composent un ensemble cohérent non altéré par le temps.